Tribunal de Grande Instance de SAINT-BRIEUC, RG 18/00482, 3 septembre 2019 :
On le sait, la loi d’avenir de l’agriculture, du 13 octobre 2014, était attendue par tous comme devant être le texte qui allait contraindre la SAFER à plus de transparence et de rigueur dans ses rétrocessions et donc dans ses interventions.
Le rapport accablant de la Cour des comptes en date de février 2014 devait nécessairement appeler un tour de vis de la part du législateur, et cette loi d’avenir devait en être l’occasion.
Si les espoirs ont dans un premier temps été de mise, avec une rédaction qui laissait penser que la SAFER, dorénavant, serait soumise en toutes circonstances aux priorités des nouveaux schémas directeurs régionaux des structures agricoles, ces espoirs ont pu se trouver douchés par le décret du 22 juillet 2015, au sein duquel la SAFER avait pris le soin de faire insérer dans les dispositions de l’article R. 331-14 du code rural un adverbe, en l’espèce « notamment », en vertu duquel la SAFER pourrait opérer, via son comité technique, des choix en tenant compte notamment des orientations du schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Ce faisant, la SAFER pensait avoir évidemment assuré devant elle un champ d’action libéré des contraintes administratives liées au priorité du schéma directeur.
Par une décision rendue le 3 septembre 2019, le Tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc statuant au visa de cet article R 331-14, a rappelé que l’adverbe notamment a pour signification et synonyme les mots particulièrement, principalement, singulièrement, spécialement ou encore surtout.
Ainsi, le Tribunal a légitimement estimé que si la SAFER était tout à fait fondée à développer un argument selon lequel elle considérait n’être pas tenue au respect des seuls critères liés aux missions d’intérêt général dont elle est chargée, la demande d’un candidat évincé fondée sur les priorités du schéma directeur régional n’en était pas pourtant injustifiée.
Dans l’espèce qui intéressait le Tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc, la SAFER avait justifié sa décision de choisir un attributaire en considération des critères de viabilité, sans pour autant, in concreto, justifier l’éviction des candidats concurrents.
La juridiction Briochine a logiquement rappelé à cette occasion, dans une décision inédite, que la SAFER avait failli aux obligations, au respect desquelles elle était tenue, en n’informant pas les candidats à la rétrocession évincés, des motifs qui avaient déterminé son choix en considération des critères de viabilité tels qu’énoncés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
L’adverbe notamment, que la SAFER avait pu faire ajouter aux termes des dispositions réglementaires du Code Rural pour s’extraire de tout contrôle judiciaire ne semble pas, heureusement, la mettre à l’abri de tout contrôle…